A l’origine, la notion d’agilité (agility) est née au sein des DSI dans les années 90, elle est illustrée par les valeurs affichées dans le « Manifeste pour le développement Agile de logiciels ». Le concept d’agilité ainsi proclamé capitalise sur les précédentes évolutions des modes de gestion, d’organisation et de management des entreprises – notamment le lean management, qui présente un certain nombre de similarités (création de valeur, client au cœur de la démarche…) – tout en intégrant les perspectives de transformation numérique et digitale.
Lorsqu’un projet de transformation agile est lancé, les 4 valeurs inhérentes au concept d’agilité doivent être respectées :
- privilégier les individus et leurs interactions en offrant un cadre de travail propice à l’excellence,
- garder à l’esprit la finalité des travaux menés et la qualité des éléments livrés,
- mettre tout en œuvre pour une collaboration harmonieuse avec les clients,
- faciliter l’acceptation des changements et la mise en place d’une organisation apprenante.
Compte tenu du contexte actuel, les principes de l’agilité tendent à dépasser le seul cadre des projets SI dans l’objectif de diffuser cette culture dans toute l’organisation et se généraliser dans des directions variées au profit de l’innovation. C’est pourquoi il est important de garder en tête que le déploiement de l’agilité ne consiste pas uniquement en la mise en place de nouvelles méthodologies et outils de travail, mais constitue une évolution voire une transformation de la culture de l’organisation, qui doit pouvoir incarner ces 4 valeurs agiles. En ce sens, tout l’art de la transformation agile consiste à réussir à atteindre ce difficile équilibre entre respect d’un cadre méthodologique et prise en compte des spécificités culturelles.
L’agilité impose de repenser les organisations traditionnelles de l’entreprise
Beaucoup d’entreprises ont entrepris ce chemin vers un modèle plus agile, plus réactif, plus efficace. En fonction des contextes, différents modes d’organisations ont été expérimentés :
- l’agilité à l’échelle et fonctionnement en squads/tribus dans les DSI ou au sein d’autres directions, en s’appuyant sur des référentiels comme SAFe ou Spotify et en s’inspirant fortement des courants lean startup ou lean management,
- l’entreprise libérée ou holacratie pour les organisations souhaitant travailler sur la le processus de prise de décision,
- sociocratie pour les organisations responsabilisantes, qui mettent en exergue la montée en compétences des collaborateurs.
Ces différents types d’organisations sont généralement choisis en fonction de leur cohérence avec l’ADN de l’entreprise voulant opérer ce changement.
Quels que soient le nom revendiqué et la démarche mise en œuvre, ce sont les mêmes grands principes qui caractérisent ces modèles d’organisation protéiformes, dont les méthodes de travail sont communes : design thinking, lean, kanban, Scrum, coaching.
Ces méthodes permettent de passer d’une organisation hiérarchique, avec un mode de management descendant et des équipes cloisonnées, à une organisation organique caractérisée par un management qui porte et transmet la vision. Cette organisation repose sur des équipes multi-compétences, construites autour d’objectifs communs, dont les rôles sont clairement définis, et qui opèrent selon des approches de bout-en-bout.
Par ailleurs, ces différentes organisations ont également des points communs fondamentaux : la capacité à travailler avec un écosystème qui s’adapte aux changements, l’amélioration continue ainsi que les liens forts avec le client pour une meilleure compréhension et prise en compte de ses attentes.
La mise en œuvre de ces nouveaux types d’organisation s’appuie sur plusieurs piliers :
- la collaboration, en donnant la priorité au travail d’équipe, avec une forte culture du feedback,
- la créativité, pour favoriser l’innovation et l’amélioration continue,
- la responsabilisation des équipes, avec l’application du principe de subsidiarité dans la prise de décision,
- la motivation, grâce à un environnement facilitant la prise d’initiatives et l’efficacité des équipes,
- la vision clairement définie, pour soutenir les équipes autonomes,
- la confiance, au bénéfice d’un climat favorisant la prise de risque et l’initiative.
Ce changement culturel, avec la transformation organisationnelle et managériale qu’il implique, va impacter l’ensemble de l’organisation et ses modes de fonctionnement. Notamment :
- Les ressources humaines : les principes de responsabilisation et de travail d’équipe nécessitent de repenser les processus RH classiques, par exemplet les processus d’évaluation qui se caractérisent dans ce type d’organisation par la disparition d’une évaluation annuelle assez codifiée. D’autres techniques et dispositifs se mettent alors en place, à l’instar des feedbacks réguliers permettant une dynamique d’amélioration plus cadencée, de la fixation d’objectifs davantage collectifs qu’individuels, ou encore des plans de formation des équipes visant à intégrer ces nouveaux modes de management. Autant de raisons pour lesquelles toute transformation agile doit se définir avec une implication forte de la DRH.
- La gouvernance et les processus : les principes de transparence et de responsabilisation doivent s’illustrer dans des processus de gouvernance repensés, facilitant la circulation de l’information pour une prise de décision au plus près du terrain. Le fonctionnement des instances de pilotage, les processus budgétaires et la gestion des portefeuilles de projets sont autant d’axes à réinventer pour une meilleure agilité.
- Les indicateurs et outils : les indicateurs de performance et l’automatisation de certains processus sont clés, à la fois pour mesurer le succès et les progrès de l’équipe mais également pour favoriser son efficacité. Cette volonté de mesurer de manière continue l’avancement en déployant des indicateurs peut également conduire à revoir les espaces de travail (mise en place de salle de management visuel par exemple) pour faciliter la communication et promouvoir la transparence.
- L’écosystème : enfin, compte tenu du fait que plus aucune entreprise ne vit en vase clos, la manière d’interagir avec les partenaires doit être repensée de manière à ce que l’écosystème ne constitue pas un frein mais un levier d’accélération au profit du déploiement de l’agilité.
Que nous apprennent les entreprises ayant vécu cette transformation agile ?
Nombreux sont les retours d’expériences d’entreprises ayant entamé ce passionnant voyage vers une organisation plus agile et apprenante. Des livres inspirants1 comme Reinventing Organizations, qui évoque notamment la fabuleuse aventure Buurtzorg, ou encore Lean Startup, permettent de comprendre concrètement les enjeux et difficultés de ces transformations. On peut citer également les vidéos publiées par voyages.sncf.com sur Youtube, qui expliquent de manière très didactique l’épopée de la transformation agile de cette DSI du groupe SNCF.
Il faut retenir de ces retours d’expérience que le changement culturel, pour pouvoir être partagé par tous doit être explicite. Toute transformation agile commencera donc par la définition de cette nouvelle culture : pourquoi être agile ? En quoi l’agilité va-t-elle apporter un plus à mon organisation ? Quelles valeurs privilégier ? Pour réussir à responsabiliser les équipes, cette culture doit être comprise et intégrée par tous. C’est pourquoi les entreprises agiles consacrent un temps important à s’assurer que l’ensemble des acteurs connaissent et partagent cette culture.
Par ailleurs, une fois formalisée, cette culture doit être déclinée de manière effective dans les processus. Si, par exemple, les modes d’évaluation restent fixés sur des logiques très individualistes, ou si tout échec est rudement sanctionné, il sera impossible de développer un sens du collectif et de promouvoir le droit à l’erreur comme occasion d’apprendre.
L’exemple de Microsoft est éclairant et très décrit dans l’ouvrage de son CEO Satya Nadella, qui raconte la transformation de Microsoft à la fois dans son business model et son positionnement concurrentiel, mais surtout dans sa culture pour promouvoir les valeurs d’empathie et de bienveillance. La transformation de Microsoft, s’illustre par exemple dans le nouveau système de revue de performance qui privilégie la production d’un résultat en s’appuyant sur le collectif plutôt que sur les initiatives individuelles.
Comment concilier agilité et flexibilité avec méthodologie et cadre gagnant ?
En synthèse, la transformation agile ne se décrète pas mais doit répondre à un enjeu fort de l’entreprise. Comme tout projet de changement, elle doit être pensée pour apporter de la valeur à l’organisation et à ses membres. Même si de nombreuses méthodologies existent et permettent d’obtenir cette agilité, si la valeur attendue de cette transformation n’est pas définie, les résultats ne seront pas au rendez-vous : il ne s’agit pas « de changer pour changer » ou pour dupliquer une organisation ayant porté ses fruits dans un contexte totalement différent.
C’est pourquoi il est important de séparer, dans le projet de transformation, les principes négociales et ceux non négociables. Les premiers se retrouvent dans toutes les transformations agiles et doivent par conséquent être préexistants dans l’organisation pour aller vers plus d’agilité : il s’agit notamment de l’auto-organisation des équipes, de la collaboration et le partage, du travail sur la valeur, de l’expérimentation, de l’amélioration continue, du feedback et de la confiance.
Reste alors à définir le chemin et la manière dont l’agilité sera implantée : quel plan de transformation (big bang ou itératif) ? Quel modèle opérationnel (safe, lean startup, sociocratie…) ? Quels processus et quels outils au service de cette agilité ?
S’il est primordial de définir avant tout la valeur liée à la transformation et les enjeux culturels associés, il ne restera ensuite qu’à se lancer pour déployer les outils et méthodologies au service de cette transformation.